Souffle de vie

C’est facile d’écrire dans le train ; non vraiment c’est enfantin. Vivaldi dans les oreilles, les violons au rythme du paysage qui défile, l’esprit s’égare aisément et s’envole, quelque part. Je sais pas trop ce que je fous ici à vrai dire. D’habitude, j’écris parce que je ressens un besoin cathartique, parce que j’ai le sentiment que poser les mots m’aidera à faire le point.


Mais là, en cet instant où je quitte les terres provençales pour retourner dans mon foyer parisien, je me sens bien. J’ai abandonné une jolie fée dans une couche bien chaleureuse, lui laissant pour seul présent d’adieu le souvenir de nos baisers et de nos caresses.


Oui, de toute évidence, j’ai grandi. J’ai mûri. Ca fait vraiment bizarre de constater, d’être mis en face de ce qu’on ne perçoit habituellement qu’à posteriori. Les étapes, les jalons de notre existence sont souvent passés lorsqu’on les contemple, comme si on n’apercevait que les dégâts de la tempête, sans sentir son souffle opérer.


Pourtant, tout cela, tous ces mécanismes qui grincent en moi, engrenages incertains mais forts, je les sens bouger. Sans pouvoir dire avec précision ce que cela signifie, j’ai au fond de moi ce sentiment que je suis en train de me transformer. Mon esprit mute et s’adapte, mon corps évolue et mon âme … Mon âme, elle, s’éclaire de nouvelles lueurs.
Quand j’étais plus jeune, la religion a quelques temps été mon pain béni. Je l’ai appliquée comme on mettrait en place une méthode ; je l’ai étudiée en apprenant soigneusement ses dogmes et ses codes ; j’ai voulu croire sans jamais y parvenir. On dit des religions qu’elles vendent un chemin qu’elles ne parviennent pas à gravir par elles-mêmes. Et je dois dire que, murmurant mes prières du haut de mes neuf ans au pied de mon lit, je n’ai jamais eu le sentiment d’être écouté ou entendu.


Parce que je désirai, je voulais obtenir, je voulais posséder et, par-dessus tout, j’enviais ceux qui avaient cette chance. Il me fallait cette présence protectrice, il me fallait faire comme les autres. Seulement voilà, c’était vide. La religion, telle que je l’ai pratiquée, ne m’a rien apporté, pas même le sentiment de communion. Ca, c’est l’amour qui me l’a offert. Et j’affirme haut et fort que je me suis infiniment plus senti connecté au divin par ce chemin que par celui de la croix.
J’ai mis longtemps à comprendre, mais je crois que je commence à effleurer du bout des doigts un semblant de sacré. Sans savoir ni comment, ni pourquoi, je sens mon âme. Je sens cette parcelle de moi, comme si elle avait été endormie pendant des années, et qu’elle venait tout juste de se réveiller.
Je laisse les flots de la vie m’emporter, et tout brinquebalant, je suis comme un flotteur dans les rapides, insubmersible, coincé entre la surface et l’eau.

Retour à l'accueil